"N'avouez jamais"

(J. Cocteau)

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Civilisations

Signe du ciel ?
Signe du ciel ?

Vie et survie

La Nature se définit par l’ensemble des choses qui composent l’Univers excepté ce que l’Humanité y a construit ou modifié. Des fourmis aux arcs-en-ciel, les éléments naturels se sont imposés à la perception intuitive et sensorielle des premiers Hommes comme source de crainte, d’espoir et d’inspiration.

 

Les civilisations anciennes vivaient, de fait, avec une attention vitale portée à cet ordre des choses, sans autre choix que de questionner la Nature pour y survivre. Et chacun de lever les yeux au ciel pour y croire, ou pour se demander : "qu'est-ce qu'on fait là?".

Egypte ancienne

La vallée du Nil
La vallée du Nil

Boussole naturelle

La civilisation Egyptienne s’est développée dans une région aride, irriguée quasi-verticalement du Sud au Nord par la vallée du Nil. De part et d’autre du fleuve, l’horizon dégagé du désert est parcouru quotidiennement, d’Est en Ouest, par la course apparente du soleil. Ces deux axes perpendiculaires imposent leur évidence dans l’espace et le temps : ils forment une boussole naturelle qui oriente les oiseaux migrateurs.

Fluctuations
Fluctuations

Cycle fluvial

Pendant des millions d’années les fluctuations du Nil ont fertilisé en abondance cette vallée assez isolée du reste du monde. Cette géographie particulière a modelé le territoire égyptien tout comme l’esprit de son peuple agricole, tributaire de la crue annuelle du Nil.

Durant les longs mois de chaleur où la terre privée de verdure se dessèche, les Egyptiens vivent dans l’attente du retour de l’eau qui peut s’avérer capricieux et ruiner tous les espoirs. La montée des flots est perçue comme le miracle qui débute la nouvelle année. Pendant quatre mois, le Nil gonflé de pluies équatoriales répand ses alluvions nutritives dans le sol (Akhet). Après la saison de l’inondation vient celle des semailles et très vite des récoltes : la vie se renouvelle ainsi durant quatre mois (Peret). Puis la terre se fendille à nouveau (Shenou).

Les moissons du Nil
Les moissons du Nil
Apparition
Apparition

Interrogations

Alors les habitants du Nil se tournent vers le Sud. Et ils s’interrogent. Car les rythmes saisonniers nourrissent l’envie de renaître comme le pays le jour de l’an.

Prenant modèle sur les cycles naturels de la disparition et du renouveau, les Egyptiens développent une très forte croyance en une vie après la mort, peuplée de multiples divinités et de mythes définis à l’image d’un ordre universel parfait.

Génération après génération, les Egyptiens contemplent la Nature, ses bienfaits et ses pièges, le recyclage infini des éléments d’un monde qu’ils habitent et dont ils se sentent responsables.

Sous la voûte étoilée qu’aucun lampadaire ne vient éblouir, les mouvements cycliques des astres imprègnent le mode de vie et de pensée.

Les constellations servent de repères, la position des étoiles oriente les monuments sacrés, les phases de la lune découpent le calendrier, la réapparition de l’étoile Sirius (Sothis) à l’orient annonce la crue du Nil.

Les regards s’évadent dans les signes du ciel, vers la perspective d’un monde céleste prolongeant la vie terrestre, qui donne l’idée d’un destin inéluctable à chacun.

Djed, colonne de vie
Djed, colonne de vie

Cycle solaire

Dans l’Egypte ancienne, le culte primordial est celui du soleil que la configuration géographique du pays semble faire naître sur la rive orientale du fleuve et s’éteindre sur l’autre rive, à l’occident. Le disque solaire incarné par le dieu Rê est un cercle sans début ni fin, symbole d’éternité. Avalé le soir par la déesse du ciel Nout, il passe à travers son corps, domaine de l’invisible, propice à l’imaginaire. Dans le sol noir et fertile d’Egypte (Kemet), comme dans un athanor, l’énergie vitale est absorbée et transformée, promesse d’un nouveau soleil qui doit renaître à l’aube de l’autre côté du fleuve.

A l’image du soleil couchant, c’est sur la rive gauche du Nil que sont enterrés les morts. Le climat chaud et sec du désert stérile, aidé par les pratiques funéraires, dessèche les corps et favorise l’idée d’immortalité. Dans le monde souterrain où voyage l’âme des défunts, le maître des lieux est le dieu Osiris, voué à la renaissance cyclique comme la Nature. Sa peau verte comme un végétal gorgé de soleil exprime sa résurrection, que traduit aussi le redressement annuel du pilier Djed.

L’autre rive du Nil est un lieu de croissance où s’élèvent des temples dédiés aux dieux et pharaons, souvent allégoriques des états successifs du soleil : naissance, mort, renaissance, la notion du temps est cyclique.

 

Le lotus au parfum magique
Le lotus au parfum magique

Végétation sacrée

Le Nil crée une véritable oasis au cœur du désert. Sa végétation luxuriante que les cycles biologiques régénèrent chaque année a inspiré le style artistique, en particulier l’art funéraire pour illustrer la quête d’éternité.

C’est le cas du papyrus à tige triangulaire hérissée d’une inflorescence en éventail, qui pousse dans les marécages du delta du Nil. En référence à cette région du Nord plus fraîche et ombragée, il symbolise le soleil en gestation, les ténèbres et les épreuves traversées par le défunt dans son dernier voyage.

Le lotus sacré possède un cycle original. Le soir, la tige se rétracte et enfonce sa fleur sous l’eau où ses rhizomes pompent leur substance dans la boue noire du Nil ; puis au lever du jour elle remonte au-dessus des flots et ouvre sa corolle blanc-rosée. Assimilé à la renaissance du soleil qui surgit de la nuit, le lotus revivifiant est souvent placé devant le visage du défunt qui le respire après son séjour dans l’obscurité pour en renaître à la vie éternelle.

Le lys illustre une plante du Sud qui pourrait être, selon certains auteurs, la fleur du bananier d’Ethiopie tombant dans les eaux du Nil au début de la saison des pluies. Son arrivée en Egypte annonce l’imminence de la crue et symbolise le retour annuel de l’âme des défunts.

D’autres végétaux comme le palmier ou le roseau ont servi à cette représentation du monde.

En architecture, les colonnes des temples concrétisent la croissance végétale depuis les eaux primordiales jusqu’à la voûte céleste qu’elles soutiennent. Le fût est assimilé à une tige et le chapiteau à une fleur, souvent inspirée des papyrus ou des lotus : la corolle est épanouie dans les parties éclairées par le soleil, ou fermée en bouton dans les zones plus sombres.

Les moeurs du Géotrupe
Les moeurs du Géotrupe

Animaux sacrés

Les ressources du Nil attirent une faune abondante. Certains animaux, par leurs formes ou leurs mœurs inspirant la crainte ou la reconnaissance, font l’objet de cultes et sont sacralisés. Ils incarnent des principes divins, souvent en lien avec les cycles solaire et aquatique.

Ainsi le petit géotrupe, qui fabrique une boule de fumier et la roule jusqu’au terrier pour y pondre son œuf, rappelle la course du soleil dans le ciel ; le jeune scarabée qui naît de cette sphère nourricière symbolise la renaissance solaire.

Quand au héron cendré qui revient chaque année sur les berges à l’époque de l’inondation, il est associé au retour de l’eau vivifiante ; mais il est aussi l’oiseau phénix qui s’élève du fleuve vers le ciel aux premières lueurs rougeoyantes du soleil levant.

Bien d’autres comme le faucon ou le serpent illustrent les forces régénératrices de la Nature.

Ibis sacré
Ibis sacré
Voyage dans l'au-delà
Voyage dans l'au-delà

Vie et mort

Entouré de déserts, le Nil est un seuil entre la vie et la mort qui influence toutes les croyances, opposant le désert stérile et la vallée fertile, le périssable à l’éternité, l’ici-bas et l’au-delà. Et cette vision dichotomique du Monde rejoint le dualisme politique entre les régions du Sud et du Nord d’où jaillit l’unité du pays au nouvel an, lorsque le Nil en crue recouvre toutes les terres. Le fleuve apparaît comme un lien unificateur de la civilisation égyptienne dont la cohérence a reposé pendant plus de 3000 ans sur un subtil équilibre des rythmes naturels.

Des étoiles aux scarabées, les ouvriers bâtisseurs ont inscrit dans leurs œuvres de pierre, l’histoire des cycles de la Nature, à l’échelle d’un jour, d’une année ou d’une vie. Les jardiniers du Nil ont entretenu leur vallée humide, comme un beau jardin où les plaisirs de vivre valaient sûrement le coup d’être perpétués dans l’au-delà. Les artistes décorateurs ont rempli leur palette de pigments naturels pour éterniser le monde réel, imaginant l’expérience que personne n’a jamais pu raconter.

Temple d'Abou-Simbel
Temple d'Abou-Simbel

Et maintenant...

Aujourd’hui le soleil est toujours au rendez-vous quotidien de l’Egypte qui courtise son énergie à l’aide de panneaux solaires. Le cours du Nil est désormais canalisé par un grand barrage qui sauve le pays de sécheresses ou d’inondations destructrices mais qui bouleverse les équilibres naturels. Les écosystèmes de Nubie sont noyés sous des milliards de m3 d’eau. L’agriculture déverse des engrais chimiques sur les terres qui ne reçoivent plus d’alluvions fertilisantes. Les bateaux de croisière polluent l’air et les eaux, et les poubelles de l’industrie touristique remplacent les momies dans le désert. Le delta quand à lui se remplit de sel.

Alors, devant les ruines des tombeaux et des temples, certains touristes à leur tour s’interrogent.

Le mystère reste entier...
Le mystère reste entier...

Questionnements

Cette civilisation aurait-elle eu la même singularité le long d’une rivière en crue du Morvan ?

Il est vrai que les cycles observables partout sur Terre, comme le trajet des astres, ont troublé bien d’autres peuples dans le monde. Mais dans l’Egypte antique, ces phénomènes naturels se conjuguent à un environnement unique rythmé par les débordements nourriciers d’un fleuve millénaire qui a joué un rôle déterminant sur la vie de ses habitants.

Comment saisir leurs réponses aux grandes lois de la Nature pesant sur la destinée humaine ?

Si aujourd’hui on en sait un peu plus sur la structure du soleil ou le génome du papyrus, les forces qui régissent la Nature alimentent toujours nos frayeurs, nos désirs, notre imagination. Le modèle explicatif des Egyptiens possède sa propre cohérence mais les questions subsistent pour tout être humain, de la genèse du Monde, du sens de l’existence et des mystères de la mort : que fait-on là, fragments d’histoires, sur cette planète qui elle aussi s’éteindra un jour ? Selon les croyances de chacun, la quête oscille entre le doute et la confiance sereine.

Enfin quelle réflexion citoyenne peut nous inspirer leur profond respect de la Nature ?

Dans notre société, nos actions ont un impact grandissant sur les cycles naturels, les ressources s’épuisent. Les Egyptiens à leur échelle, ont eux aussi détruit des forêts entières de cèdres du Liban pour construire leurs navires et embaumer leurs morts. Mais ils n’avaient pas d’autre option que d’écouter la Nature, accepter ses colères, exploiter ses richesses perçues comme un don divin : une attention forte pour s’accorder à l’harmonie du Monde, avec toujours l’espoir d’un éternel renouvellement des choses.

De nos jours on ne cherche plus l’étoile du Berger pour se diriger vers la Porte de Vincennes car d’autres chemins sont possibles, d’autres substituts ont vu le jour : notre époque a aussi ses bénéfices. D’ailleurs qui sait, peut-être que RamsèsII aurait aimé soulager son arthrose d’un cachet d’aspirine et Cléopâtre traverser furieusement le désert en Harley-Davidson.

Oudjat
Oudjat

Changer

Aujourd’hui la justesse de nos actes cherche sa place entre modernité et tradition. Une articulation qui nécessite sans doute de rectifier quelque chose en soi pour changer d’approche : se connecter au Monde avec un peu plus de considération, dans sa signification élémentaire, et y prendre part de façon responsable.

Nouveau regard, nouvelle attitude qui font s’incliner devant une toute petite mousse et s’en étonner jusqu’à la dernière seconde.

L’Esprit consolateur des Cathares

Mailéu cremar que renonçar
Mailéu cremar que renonçar

Epopée tragique

L’histoire des cathares, racontée par les spécialistes, révèle une épopée tragique, pleine de mystères, qui stimule l’imaginaire et véhicule un certain idéal de spiritualité. Les principales sources documentaires sont partiales car issues des dépositions inquisitoriales, mais quelques manuscrits cathares originaux retrouvés au 20es donnent un éclairage émouvant sur la pensée de cette civilisation disparue.

 

Le catharisme désigne un mouvement religieux chrétien qui s’est répandu en France au Moyen-Age (12e-14e) et implanté notamment dans les bastions d’Occitanie. Ses origines, difficiles à cerner, font débat. Il est apparu en Occident au 11es dans un climat de religiosité dissidente et l’émergence de courants contestataires réclamant un retour aux sources du christianisme (Bogomiles, Valdéens, Bégards…). Sa doctrine a souvent été rapprochée du manichéisme par sa conception dualiste du monde, mais cette parenté reste très discutée par les historiens. Le catharisme revendique avant tout une filiation apostolique en s’appuyant sur une exégèse des Ecritures, et s’oppose à certains dogmes de l’Eglise Romaine. Il en critique d’ailleurs le clergé autoritaire et opulent s'éloignant du message originel chrétien, et refuse même d’en payer la dîme.

 

Rognant le pouvoir en place, il fut violemment réprimé au 13es par les croisades ‘albigeoises’ de Simon et Amaury de Montfort en 1209 puis du Roi Louis VIII en 1224. L’Inquisition médiévale commence ses persécutions en 1233 avec son lot de dénonciations, tribunaux, tortures, bûchers, port de la croix jaune pour les repentis... La Reddition de Montségur advient en mars 1244. Puis les résurgences sont systématiquement éradiquées. Le dernier cathare connu, Guilhem de Belibaste, est brûlé en 1321 à Villerouge-Termenès et le dernier bûcher de croyants cathares occitans se tient en 1329 à Carcassonne.

Envol
Envol

Croyance et doctrine

Le terme ‘cathare’, peu employé au Moyen-Age, a été popularisé au 19es par les historiens allemands et surtout utilisé par ses adversaires. Du grec Katharos, il signifie ‘pur’, en référence à la catharsis des Manichéens mise en lumière par Aristote. Son contraire Katarroos (catarrhe) désignait péjorativement l’impureté d’un écoulement maladif. Mais l’étymologie latine Catus, ‘le chat’, les diabolisait comme adorateurs de Satan. L’inquisition les traitera plutôt de ‘Parfaits hérétiques’. Mais entre eux les cathares s’appelaient les Bons hommes et Bonnes femmes, les Bons chrétiens : la notion de Bonté imprègne en effet tout leur enseignement, définit comme ‘l’Entendement du Bien’ (lo Bé).

 

La doctrine cathare considère surtout le Nouveau Testament et formule l’idée générale que Dieu, infiniment bon, ne peut être à l’origine du mal, suivant la parabole évangélique ‘Un bon arbre ne peut donner de mauvais fruits - Mt 7:18’. Elle affirme l’existence de deux principes opposés impliquant une double création : ce sont deux mondes de nature et d’origine divergente. D’un côté le monde spirituel (âme/omnia) invisible et éternel, peuplé d’anges, le royaume de Dieu, Père miséricordieux et source du Bien. De l’autre le monde matériel (corps/nihil) visible et transitoire, domaine des créatures terrestres périssables, façonnées par le Diable, Prince de l’illusoire et source du Mal.

 

Selon la cosmogonie de l’époque, la chute du Malin entraîne celle d’autres anges et emprisonne leurs âmes divines dans des enveloppes charnelles. Captives et exilées sur Terre, elles sombrent dans l’oubli. Pour les sauver, Dieu envoie son Fils, Jésus-Christ. Dans le récit cathare, Jésus est une entité céleste angélique de forme humaine mais de nature entièrement divine. Il ne s’incarne pas mais s’adombre pour cacher son éclat de lumière intense. Il n’a pas de rôle rédempteur par un sacrifice corporel mais par l’amour et le pardon. Il est uniquement le messager venu éclairer les hommes en révélant leur origine céleste, et leur enseigner comment se détacher de la matière pour réintégrer le monde de l’Esprit. Le discours est optimiste et réconfortant car le Salut ne comporte pas de Jugement redoutable ni d’Enfer éternel. La mort est espérée comme une délivrance de l’exil terrestre. Mais seule la purification parfaite de l’âme peut libérer la part divine du corps physique. Pour regagner la Patrie Céleste, il faut suivre la voie d’Amour du Christ et des Apôtres. Tel est leur credo.

Salut
Salut

Une Voie vers la Lumière du Bien

Plusieurs fondements découlent de leur croyance. Pour les cathares, le Christ étant de toute éternité, son corps n’est qu’apparence et n’a pu souffrir ni mourir sur la croix, symbole de supplice qu’ils rejettent. Ils récusent aussi les sacrements de l’Eglise qui cautionnent l’incarnation, cette déchéance issue et soumise au Mal. Ainsi ils dénoncent l’eucharistie qui est superstition à leurs yeux, critiquent l’idôlatrie des icônes, statues et reliques de saints, excluent le mariage sacralisant l’acte charnel. Car pour eux l’union ne peut être que celle entre l’âme céleste et son double spirituel resté au Ciel, reconstituant la Créature divine originelle.

 

Leur unique sacrement est le Consolament, la ‘consolation’. C’est le baptême de l’Esprit Saint, conféré aux Apôtres par le Christ, le seul fondé en Ecritures, le seul au pouvoir salvateur, transmis aux adultes s’engageant en toute conscience : les novices consacrés ‘bons chrétiens’, ou les mourants s’assurant une ‘bonne fin’. Il s’effectue par l’imposition des mains au-dessus du Nouveau Testament posé sur la tête de l’impétrant, qui fait descendre en lui l’Esprit consolateur. Le Souffle divin absout les péchés sans besoin d’expiation, purifie l’âme de ses souillures charnelles et lui redonne la mémoire de sa nature originelle, pour qu’elle retrouve le passage vers la Lumière du Bien. La cérémonie rituelle s’accompagne notamment d’une lecture du Prologue de Jean et du triple baiser de paix (caretats). Les femmes y accèdent pareillement, car les cathares professent l’égalité native des âmes, considérées "toutes bonnes et égales entre elles".

 

L’engagement exige des baptisés une ascèse rigoureuse qui prescrit prières, jeûnes, chasteté, interdit la violence et le mensonge, prône de subir le martyr plutôt que de renier sa foi. Leur régime alimentaire proscrit la nourriture carnée et ses produits (œufs, lait, graisse, fromage…) sauf s’il n’existe aucune possibilité de se nourrir, car les cathares croient en la transmigration des âmes : à la mort du corps, celle qui n’a pu se parfaire doit très vite occuper un autre corps à sang chaud pour achever son parcours vers le Bien. Ils refusent donc de tuer mammifères et volatiles qui peuvent contenir une âme en cours de purification. Ils consomment du poisson et autres poïkilothermes, des végétaux… et du bon vin sans restriction. En cas de manquement aux règles, ils pratiquent l’Aparelhament (Servici), une confession publique suivie de prières.

 

 

Montségur
Montségur

Communautés

Les cathares se considèrent comme les vrais héritiers des Apôtres dont ils adoptent le mode de vie : dépouillement des biens, humilité, charité, travail manuel pour vivre, évangélisation. En bons pasteurs ils pérégrinent par deux dans les campagnes et prêchent la Bonne Nouvelle en langue d’Oc, faisant prévaloir le message d’amour et d’espérance. Avant chaque repas frugal, ils bénissent le pain en mémoire du Christ, sans en inférer de transubstantiation, et récitent leur unique prière, le Pater. Ce pain de la Sainte Oraison, dit ’supersubstantiel’, symbolise la Parole divine au-dessus de toute substance, la nourriture spirituelle à répandre entre tous les hommes.

 

Sur ces bases la société cathare s’organise en communautés autour d’une Eglise autonome, itinérante et sans lieu de culte physique, la Santa Gleia : elle imite la chrétienté primitive qui dispensait partout la Parole du Christ. Chacune est administrée par un évêque assisté d’un diacre. Sous cet ordre sont les religieux ayant reçu le Consolament, vivant sobrement en maisons communautaires, généralement non mixtes, et dirigées par deux membres : l’Ancien et son soci ou la Prieure et sa socia. Le rôle des femmes est important et valorisé. Elles éduquent les enfants, soignent les malades et nourrissent les indigents comme dans un hospice. Elles enseignent aussi la spiritualité cathare autour des ateliers de tissage où s’élabore le Vêtement de Lumière perdu lors de la chute que tous aspirent à revêtir pour rejoindre leur Monde. Elles administrent le sacrement du Consolament, surtout en temps de répression, dans la clandestinité.

 

L’entraide et la générosité font leur succès auprès des populations locales. Leurs lieux de vie sont ouverts à tous, notamment aux fidèles qui viennent y écouter les prédications et partager le pain béni. Ces simples croyants ont une obligation de loyauté et de respect envers les religieux cathares par le rite du Melhorament reconnaissant en eux la présence du Bien et de l'Esprit Saint. Ils mènent une vie normale non soumise aux règles d’abstinence, les écarts de conduite sont tolérés mais ils promettent de s’améliorer durant leur vie, et s’engagent par la Convenensa à être consolés avant de mourir. Ils font alors repentance et pénitence, parfois jusqu’au jeûne continu appelé l’Endura, un acte volontaire pour délivrer l’être Céleste de sa prison de chair.

Espérance
Espérance

Vers la Resplendeur

A travers ses rites et pratiques, le catharisme propose une voie d’émancipation spirituelle basée sur le perfectionnement intérieur, dans une posture confiante et apaisée, grâce à l’Esprit consolateur qui accompagne chacun jusqu’à la fin des temps. Il trace aussi un chemin empreint d’un élan profondément altruiste : le don de soi par amour de son prochain. Prendre soin de l’âme, de toutes les âmes, même celles de leurs ennemis qui les persécutent : telle est l’intention Charitable des cathares fondée dans la Foi en la Toute-Bonté et portée par la grande Espérance du retour au Royaume Céleste.

 

Ce désir du lointain passé met en perspective une démarche qui peut éclairer nos esprits en ce siècle pour la Concorde entre tous : aller du souci de soi par l’introspection intime, au souci de l’autre par l’action du cœur. Chaque être peut chercher à éveiller sa conscience, combattre le mal qui voile son discernement, s’en libérer pour régénérer sa propre nature et la faire rayonner. Alors, comme le Cathare, il se dévoue pour aider son semblable à conscientiser son origine Principielle et à découvrir la Paix Profonde qui en résulte. L’Amour porte en lui le Salut : aimer l’autre, même s’il ne nous aime pas, même si on ne l’aime pas. Tel est le sacrifice à faire en maîtrisant notre amour-propre, nos passions, nos pulsions, pour espérer une Humanité réconciliée.

 

La religion cathare a cru en la Bonté de la nature humaine : ‘le bon trésor de notre cœur’ dit le Traité anonyme du 13es. Elle s’est employée à vivifier l’Etincelle Inaltérable en chacun. Si les corps ont disparu dans les flammes des bûchers médiévaux, la pensée cathare a pu influencer le lyrisme de quelques troubadours occitans et se diffuser à travers leurs chants d’amour en langue des oiseaux. Comme un appel lumineux dans les brumes sombres de l’époque. Car tous les observateurs du ciel le savent : c’est dans les nuits les plus noires que se dévoile la Resplendeur de l’Univers, dont l’Amour est le plus Grand Secret.