"N'avouez jamais"

(J. Cocteau)

Occitania, boulega ti!

Stops faster!

Property of...

No comment

Ecrits divers et variés, au fil du temps qui passe...

MGH

Un jour j’ai rencontré une œuvre de Marie-Geneviève Havel.

Rencontre de l’évidence et du mystère, de la matière des rêves.

Images d’un univers magique aux tempêtes de couleurs, aux ports intouchables, aux remuements calmes, d’une ombre percée par la lumière du futur.

Mots du jardin secret, porteurs des premiers pas, de douleurs plus légères que les plumes, et du soleil qui précède les grands commencements.

De son œuvre coule une musique qui confie aux étoiles comment éclabousser le ciel.

Prendre un chemin...
Prendre un chemin...
La cabine à étoiles (L. Goldies)
La cabine à étoiles (L. Goldies)

La cabine à étoiles

C’est d’abord une idée, issue d’échanges, d’envies, d’instants partagés.

L’idée d’un lieu symbolique et éphémère à concevoir, pour s’immerger dans un espace-temps aux dimensions vertigineuses, celles du Temple Universel.

Ensuite quelques bonnes volontés, un peu d’inventivité et beaucoup d’agrafes l’ont vu naître : la cabine à étoiles.

Parce qu’une étoile a quelque chose d’inaccessible, qui entraîne le rêve et l’imagination.

Parce que la voûte étoilée invite à méditer sur l’immensité que l’on perçoit, ce que l’on ignore et ce que l’on ne connaîtra jamais.

Parce que l’Univers qui nous entoure et nous remplit ouvre sur un au-delà de soi.

On peut alors tenter l’expérience d’un instant privilégié pour un face à face intime, un dialogue peut-être ou une réponse parfois, de soi à soi.

Il faut oser se courber, passer la porte basse, pour mieux se relever, accoutumer ses yeux au noir des tentures où se projettent des milliers d’étoiles et les repères des constellations. Un crin de pêche descend de l’étoile polaire, centre du Monde de notre point de vue terrestre. Son plomb le dresse en verticale. Un fond sonore offre des résonances entre paroles d’aînées et Opus de Mozart.

Debout, le regard s’évade dans les signes du ciel ouvert sur l’infini. Les dimensions cosmiques du Temple donnent une autre dimension à notre humanité.

Lieu intemporel où se formule le questionnement existentiel de chaque être en quête.

Lieu d’espérance… même si l’Univers ne répond jamais.

Ella Maillart

Ella avec Ti-Puss et Ming © Succession Ella Maillart et Musée de l'Elysée, Lausanne
Ella avec Ti-Puss et Ming © Succession Ella Maillart et Musée de l'Elysée, Lausanne

Désir d'ailleurs et itinérance intime

 

"N'oubliez jamais que le monde est beauté incomparable, harmonie et joie de vivre" disait Ella Maillart. Cet hymne au voyage est celui d'une femme hors du commun en son temps. Femme volontaire et assumée, qui refusait une vie rangée et sédentaire. Femme libre et indépendante, qui voyageait souvent seule sans la tutelle d’un père ou d’un mari. Femme rebelle et tenace, qui se moquait des frontières et de toute forme de contrainte.

 

Des années 20 aux années 50, Ella Maillart sera matelot, championne de ski, journaliste, écrivaine, photographe, mais surtout aventurière des mers et des terres. Ses expéditions téméraires la mèneront à explorer des régions dangereuses et inaccessibles à l’époque. "Une Femme du Globe" disait d’elle Paul Valéry.

 

Mais que poursuit-elle au juste ? Et que fuit-t-elle ?

 

Ella Maillart est née en 1903 à Genève dans un milieu aisé où elle pratique très jeune le sport de haut niveau qui éveille son sens de l’effort et du défi.

 

Une jeunesse dorée, insouciante et libre, mais insatisfaite… Car Ella Maillart est marquée par la tragédie de la grande guerre, l’absurdité de cette boucherie révélant la noirceur du monde. Elle fustige une Europe qu'elle juge égoïste et qui dépérit avec la montée des totalitarismes. Elle rejette aussi la frivolité d’un milieu fortuné et la monotonie bourgeoise aux convenances insupportables. Une posture idéaliste qui la met en rupture avec la vie confortable qui s’offrait à elle au bord du lac Léman. Elle s’interroge enfin sur le sens de l’existence et fait sienne la question de Blaise Cendrars "Qu’est-ce qu’on fout ici ?".

 

A 20 ans à peine, elle part… voir si la vie s’épanouit mieux ailleurs.

 

L’essentiel de ses aventures se retrace d’abord dans ses années de navigatrice, avec son amie Miette de Saussure, ou sur des yachts anglais, assumant une vie anticonformiste pour une femme d’alors. Une vie faite d’escales et d’errances qui la plongent dans le doute à chaque retour en Suisse. "Qu’est-ce que je laisse ? qu’est-ce que je vais retrouver devant ?" songe-t-elle, taraudée par son indécision.

 

Ella Maillart est avant tout une itinérante, prise dans l’aiguille aimantée du partir-revenir, ce mouvement qui fait osciller entre désir d’ailleurs et nostalgie des traces qu’on laisse derrière soi. Mais pour être heureux de retrouver un endroit ne faut-il pas d’abord l’avoir quitté ?

Elle aime le combat contre les éléments, l’exploit pour se donner confiance, mais son goût de l’aventure n’est que prétexte, elle voyage dit-elle "pour trouver ceux qui savent encore vivre en paix".

 

Dans les années 30 ses principales expéditions la mènent sur les terres arides d'Asie centrale, de Moscou à Pékin en passant par l'Himalaya, à la rencontre des nomades Kirghizes, Kazakhs ou Mongols, vivant de légendes païennes, et encore libres de circuler sur cette Terre. Elle traverse les hauts sommets du Caucase, vagabonde à dos de chameau dans le désert brûlant d’Ouzbékistan, explore les régions interdites du Turkestan Chinois jusqu’au Cachemire avec le journaliste Peter Fleming, puis emprunte les routes périlleuses d’Afghanistan avec son amie Anne-Marie Schwarzenbach en quête de terre de promesses.

 

Dépouillée du superflu, elle marche comme ces migrants qu’elle définit dans ses récits comme l’envers de l’occident, des gens simples que l’hospitalité, l’entraide, l’humilité rend dignes. "…quel monde que le nôtre. Combien j’aime sa variété, sa beauté, son humanité qui luttent toujours ! " écrit-elle.

 

Voyager c’est aller vers l’autre, l’étranger, dont on ne sait rien, et découvrir l’image qu’il offre en miroir, à la fois distincte et semblable, une projection de soi vers ce qui émerveille ou qui dérange, révélant cet étrange à définir en soi et apprivoiser.

 

Voyager c’est aussi se mettre à nu, découvrir que l’on a tort, échanger et puis changer. C’est également ce qui attire Ella Maillart dans son élan d’humanité à la rencontre des ‘gens qui marchent’.

 

Car le voyage a pour but de cheminer sans relâche vers sa propre découverte, en revenir transformé, et toujours recommencer.

 

Sur les routes des caravanes, Ella Maillart tourne le dos au drame de la vieille Europe. Elle médite sur sa fragilité au bord des précipices comme sur celle de ces peuples mouvants que le monde moderne veut sédentariser. Elle s’interroge sur son goût pour le nomadisme qui remet en cause ses attaches et la soumet aussi à privations. "La vie des nomades me captive écrit-elle, ils vont d’une escale à l’autre, partout et nulle part chez eux".

 

Quel est ce mystère du désir d’ailleurs qui s’impose ainsi comme un besoin impérieux ? Peut-être une pulsion instinctive inscrite dans la mémoire collective ? L’Ancien Testament n’est-il pas empreint de nomadisme ?

 

D’autres ont reçu cet appel sans être forcément des Touaregs : comme une révolte contre la sédentarité, tel Rimbaud aimant la ‘liberté libre’ ; une rédemption salvatrice, tel Gilgamesh dans sa longue errance ; un reflet du chemin permanent en soi, tel Proust voyageur immobile ; un désir de pensée vivante, tel Aragon et son mouvement perpétuel.

 

"Aucune civilisation ne vit sans mouvement propre, écrit Ella Maillart, chacune s’enrichit des échanges, des chocs qu’entrainent les fructueux voisinages". Elle déroule la piste des origines, démontrant que celle de l’homme se situe dans la mouvance, que le voyage est source de vie. Être nomade c’est une certaine façon d’envisager la vie, et d’habiter le Monde, en bougeant pour trouver son équilibre. C’est le mouvement qui donne une assise stable, comme à moto où l’on roule en équilibre grâce au déplacement.

 

C’est aussi le moteur qui ébranle nos certitudes paresseuses, met en marche l’esprit et nous libère de passions parasites. Il faut oser rentrer dans ce mouvement qui déstabilise pour retrouver l’aplomb entre horizontale et verticale.

 

Un sens auquel on ne peut s’opposer : c’est celui de la vie qui se renouvelle sans cesse, comme celui de l’Univers où s’inscrit notre humaine condition. Et dans cette perpétuelle naissance à soi-même, le voyage est d’abord une itinérance intime.

 

Au fil de ses périples, cette évidence s’impose peu à peu à Ella Maillart qui réalise que la quête d’une réalité géographique peut aussi être une dispersion, jusqu’à s’oublier soi-même. Elle reformule son questionnement, "Il me fallait apprendre d'abord à connaître les 'terres inconnues' de mon propre esprit" écrit-elle.

 

C’est en Inde qu’elle part en 1940, chercher la paix intérieure, loin du chaos du Monde, non pour fuir la vérité, mais pour la retrouver, au fond d’elle-même. Une expérience spirituelle de 5 ans auprès de maîtres de sagesse qui lui enseignent les Védas et le ‘point de vue’ de non-dualité, une pensée philosophique qui affirme l’Unité du Monde et de l’être, où elle découvre dit-elle que "la vie intérieure colore et conditionne la vie extérieure", que "tout ce qui nous entoure est apparence", que "c’est en nous-mêmes que se trouve la vérité suprême"

 

Après avoir cherché la performance pour se dépasser, Ella Maillart va vers la clairvoyance, à la rencontre d’elle-même, visant l’authenticité de l'existence dans la réalité du moment présent. C’est sans doute sa plus audacieuse aventure, celle, introspective, qui l’ouvre à sa propre réalité et donne enfin du sens à sa présence au monde.

 

Une quête à accomplir dans l’intimité du secret, "celui de la petite lumière que l’on porte en soi et qui éclaire notre vision du monde extérieur puisque celle-ci dépend de tout ce qui en nous-mêmes est capable de voir". Ella Maillart a eu cette volonté, d’apprendre à voir pour conquérir l’essentiel.

 

A la fin de la guerre, la grande exploratrice se retire dans son chalet suisse, où elle poursuit son pèlerinage intérieur, témoigne de ses exploits, et conseille ceux qui marchent sur ses traces en leur disant simplement "Posez-vous inlassablement la question 'Qui suis-je ? Et, par ce rappel constant, vous saurez que vous êtes la lumière de la perception ".

 

Ella Maillart livre ses dernières réflexions avant son ultime voyage : "Il faut aussi vivre ici et maintenant. Seul l’instant présent est Réel, puissant…" confie-t-elle, avant de s’éteindre le 27 mars 1997.

 

Questionner la nature du réel est à la base de la curiosité humaine, celle qui donne le goût d’une itinérance sans fin, où l’important est aussi d’y trouver cette "…harmonie et joie de vivre" si chères à Ella Maillart.

 

Pour plus d'informations : http://www.ellamaillart.ch/bio_fr.php

la colline sacrée dominant l'ashram de Ramana Maharishi à Tirùvannàmalai © Succession Ella Maillart et Musée de l'Elysée, Lausanne
la colline sacrée dominant l'ashram de Ramana Maharishi à Tirùvannàmalai © Succession Ella Maillart et Musée de l'Elysée, Lausanne

Lancelot du Lac

Lancelot du Lac - affiche du film de Robert Bresson
Lancelot du Lac - affiche du film de Robert Bresson

Une quête d'amour

Lancelot du Lac est l’un des chevaliers de la Table ronde, chargés par le Roi Arthur de la quête du Graal. Son nom lui a été donné par la fée Viviane, la Dame du Lac, qui l’éleva dans son palais de cristal, sous l’illusion trompeuse d’un lac transparent. Éduqué en parfait chevalier, il possède les valeurs de courage, courtoisie et noblesse d’esprit. Il rejoint la Table ronde où il est décrit comme le meilleur de tous, tant par sa force astucieuse au combat que dans son comportement loyal, humble et fraternel. Multipliant les exploits, il semble invincible, mais son cœur est tendre. A la cour du Roi Arthur, il s’éprend de la Reine Guenièvre qui l’accepte comme son champion. Leur passion réciproque est telle qu’ils ne peuvent y renoncer, malgré les interdits, les remords et la culpabilité. Ainsi débute l’idylle secrète des deux amants !

 

La quête passionnée de Lancelot devient alors sa seule cause, pour laquelle il restera lui-même, fidèle à sa propre nature comme à sa bien-aimée, dans la pureté parfaite des sentiments. Un amour absolu, plus fort que tout, qui le pousse au dépassement de soi et au dévouement sans réserve. Guidé par la voie de son cœur, il fait face à une série d’épreuves. Il n’hésite pas à sacrifier son honneur pour y parvenir. Il affronte sans frémir les sortilèges maléfiques de la fée Morgane. Il combat avec vaillance les enchantements du Pont de l’épée et réussit à libérer Guenièvre, prisonnière du cruel Méléagant.

 

Son destin le mène à renoncer à sa mission première, puisque son attirance pour Guenièvre l’empêche d’atteindre le Graal dont il n’entreverra que les mystères : c’est son fils Galaad qui achèvera la quête. Lancelot quittera Guenièvre pour lui laisser la vie sauve après la disgrâce et la condamnation d’Arthur. Il finira sa vie en ermite dans la spiritualité et le silence. Seul et séparé pour toujours, mais infiniment amoureux, il transmutera son cœur exalté en vibration d’éternité.

 

Ce personnage légendaire incarne une figure romanesque à la fois héroïque et vulnérable, modèle de pureté et de constance étroitement lié aux ondes purifiantes de l’eau matricielle. Ce Chevalier profondément humain, se réalisant entre joie et souffrance, défend librement son désir et suit son but sans se trahir ni se renier. Son histoire emblématique fait écho à la force d’âme, à la liberté d’action et à l’idéal d’amour inconditionnel qu’il représente à travers sa posture singulière.